Rôle du manager

Rôle du manager de terrain aujourd’hui. En pratique, qu’est-ce qui marche … quand tout va mal ?
Cet article est inspiré par un travail que nous avons conduit avec des managers de terrain pour faire face aux situations les plus difficiles… Aujourd’hui nous avons tous un point commun, nous avançons en terrain inconnu et les situations difficiles ne manquent pas !
DANS CE CONTEXTE, QUEL EST LE RÔLE DU MANAGER DE TERRAIN ?
Dans ces circonstances nouvelles le manager a-t-il encore un rôle ? Est-il possible de manager une équipe avec les contraintes actuelles ?
En fait cette expérience tout à fait inédite, montre que, plus que jamais, le manager peut jouer un rôle de leader en agissant dans 5 domaines très pratiques.
LE MORAL DE TOUS, c’est la priorité
Chacun est touché par les nouvelles contraintes, par l’incertitude, les émotions ressenties sont fortes et pas forcément exprimées. Pour la plupart d’entre nous, nous vivons tous des hauts…et même des très hauts et des bas, parfois vraiment plus bas. Le bon moral est souvent exprimé, le plus grand nombre fait face et le partage mais l’anxiété est au moins aussi contagieuse que le virus. Cette anxiété est plus ou moins manifeste, parfois silencieuse. Chacun semble avoir une réponse différente à la crise, cependant les observations des professionnels que nous côtoyons convergent autour de quatre grandes causes d’anxiété :
1. Un changement brutal et non choisi des habitudes de chacun
2. Une incertitude forte autour d’enjeux forts (santé, jobs, famille, responsabilités, liens sociaux)
3. Une activité physique souvent limitée dans un environnement fermé
4. Un déficit d’accès à l’énergie collective (que la personne soit extravertie ou introvertie)
Alors par sa présence, même virtuelle, il y a unanimité pour dire que le manager peut apporter une réassurance : l’entreprise existe toujours, je ne suis pas seul ou seule. Et pour garder le moral de tous, le manager écoute chacun mais aussi invite à l’action.
C’est un principe connu, l’action choisie est un remède puissant à l’anxiété. “Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer”. Pas n’importe quelle action, ni n’importe comment. Là aussi les managers de terrain prennent un rôle plus important et ils n’hésitent pas à s’appuyer naturellement sur un des leviers les plus profonds de nos motivations, la cohésion sociale. Et ça marche, les initiatives pour encourager à reprendre la main, à choisir d’aller vers l’autre, ou à écouter sont suivies d’effet. C’est du bon sens mais parfois le manager ou l’exemple d’un collègue apporte le déclic pour faire plus que d’habitude.
Ces attentions, ces gestes pour faire plaisir permettent au manager et à l’équipe de soutenir le moral de tout le monde.
RENDRE RÉALISABLE LE TRAVAIL DE CHACUN
“A l’impossible nul n’est tenu“. La situation est inédite, le manager peut aider à accepter les nouvelles contraintes en invitant à rebattre les cartes. Pour beaucoup, les valeurs de l’entreprise sont les mêmes mais les priorités ont changé. C’est visiblement rassurant et motivant de s’y coller ensemble. Parmi les pratiques qui font leur preuve, le manager peut poser des questions pour aider les collaborateurs : Qu’est-ce qui change pour nos clients ? Que nous disent-ils ? Quelles sont ses nouvelles priorités ? Comment peut-on l’aider ? Et dans ce contexte qu’est-ce qu’on peut faire ou que peut-on faire différemment pour y arriver ? Le manager permet à l’équipe d’adapter l’organisation a minima malgré les nombreuses incertitudes et les contraintes fortes.
Ce n’est pas une révolution car le plus souvent la mission de l’entreprise n’a pas changé. Au contraire, le manager peut inviter les équipes à bien s’appuyer sur les compétences de l’entreprise qui ont fait leurs preuves et à agir avec discipline : c’est rassurant, ça marche et c’est bon pour le moral. D’ailleurs dans ces compétences, il y a le plus souvent des actions que les collaborateurs aiment faire. Il y a des initiatives à encourager, à partager et à valoriser. Et alors partager ce que les collaborateurs ont osé avec ou sans succès, c’est excellent pour la confiance en soi et c’est un encouragement pour l’équipe : “un petit pas pour le job mais un pas immense pour l’entreprise” !
D’un autre côté, la situation est tellement nouvelle que le manager doit souvent aider les équipes à accepter que tout ne soit pas fait. C’est parfois un principe difficile à accepter pour les collaborateurs. Les équipes sont entraînées à bien faire ce qui doit être fait. La satisfaction du client en dépend, la fierté du collaborateur aussi. Sur un plan encore plus impactant pour l’anxiété du collaborateur, le respect du contrat de travail peut être affecté. La façon dont le manager aborde ce sujet à enjeux est donc primordiale : Des choix réfléchis et partagés avec le client, une communication raisonnée, et bien sûr la nécessité de se poser des questions. Dans ces circonstances, même si cela peut surprendre, quand le manager affirme de ne pas savoir, il s’aperçoit que son crédit est plutôt en hausse.
La seule certitude nécessaire à la crédibilité du manager semble être de montrer qu’il s’y colle avec la bonne attitude.
TENIR LA BARRE, et le montrer
Dans la tempête, après les premières journées/semaines de surprise qui ont été acceptées comme trop différentes, le rôle du manager vis-à-vis des ressources humaines de l’entreprise, c’est de tenir un cap visible. L’espace-temps a changé, le but est souvent beaucoup plus modeste mais néanmoins parfois crucial. L’incertitude se matérialise souvent au niveau du court terme, des décisions aux conséquences lourdes doivent être prises vite, des changements de direction brusques et peu compréhensibles sont à prévoir. Les objectifs évoluent, bonjour la pression, bonjour le stress ! Dans ces circonstances, l’information, la posture et la présence s’affirment comme les leviers précieux du manager de terrain.
Les informations aident chacun à se situer et à agir à bon escient. Le manager fait circuler cette information, favorise l’échange mais aussi suscite le tri : Halte aux rumeurs ! Premier tamis : est-ce vérifié ? Deuxième tamis : est-ce bienveillant ? Troisième tamis : Est-ce utile ? La vidéo des tamis de Socrate a eu beaucoup de succès sur le web.
Certaines informations permettent aux collaborateurs de mieux comprendre les nouvelles donnes, d’autres au contraire redonnent aux collaborateurs des basiques qui restent valables. En situation de crise, le rappel des consignes élémentaires de sécurité est utile et bon pour le stress. C’est d’autant plus vrai que visiblement, la fatigue engendrée par la durée du confinement commence à avoir des effets plus profonds… dont parfois l’abandon des gestes de sécurité.
La posture du manager indique la confiance dans l’équipe et invite à la prise de recul nécessaire. En les écoutant certains managers de terrain donnent l’image de vivre une situation quasi normale. Ils ne se positionnent ni en sauveur, ni en bourreau, ils encouragent et proposent des choses simples plutôt basiques. C’est aussi par l’ambition des défis qu’ils assignent, qu’ils renforcent la confiance en soi des collaborateurs et des partenaires. “Ils ont réussi parce qu’ils ne savaient pas que c’était impossible…”, on sera complètement prêt pour notre client ! Malgré les contraintes légales, on va réussir à trouver des logements pour les techniciens et ré-ouvrir les chantiers, et ça marche plutôt très bien.
La présence même à distance fait toujours partie des priorités du manager, à vous de choisir les média. Là encore la discipline installée par des rituels : points fixes brefs, échanges bilatéraux, feedbacks opérationnels systématiques semblent porter ses fruits. Par la mise en place de cette organisation, le manager permet un bon traitement de l’information par l’équipe et diminue sans doute la charge mentale. Et puis ces circonstances particulières invitent à la créativité. Par exemple chaque collaborateur d’une équipe confinée a reçu un colis de fruit frais par taxi ! Quelqu’un pense à vous et vous n’êtes peut-être plus isolé.
MOBILISER LES FORCES DE L’ÉQUIPE, sans les sous-estimer
La crise révèle des compétences inattendues et vous témoignez de vos surprises. Quand chacun voit mieux son rôle et perçoit la confiance de l’entreprise, le terrain devient favorable aux leaders insoupçonnés et aux approches nouvelles. Là encore ce qui marche n’a rien d’extraordinaire en soi, les solutions observées ne sont pas hyper pointues, c’est encore la pratique sans relâche de la politique des petits pas autour d’objectifs plutôt ambitieux.
Pour beaucoup c’est difficile et c’est rarement évident. Il y a beaucoup d’échecs, beaucoup de découragements et dans l’environnement confiné, l’alternance des phases de confiance excessive et de découragement exagéré est naturelle. Aussi le rôle du manager s’inscrit dans la durée, c’est sa force. Avec l’organisation mise en place pour assurer la communication avec l’équipe, il reprécise les objectifs, ajuste le cap. Ainsi de façon remarquable, cette situation met en évidence les qualités précieuses prêtées à notre part féminine et observées sur le terrain chez les femmes en charge d’équipe comme par exemple : la sensibilité dans l’écoute, le pragmatisme, la ténacité, la relation aux conflits, le courage ou l’acceptation de la nouveauté.
En pratique, qu’est-ce qui marche ? le conseil numéro 1 c’est de se caler sur la semaine, mobilisation pendant le match et ensuite chacun sa vie :
1. Stratégie : quoi d’important ? quels objectifs ?
2. Opérations : quelle organisation du travail pour cette semaine ?
3. Communication : quels media collectifs ou individuels, quels rendez-vous
4. Fin: boucler la semaine, “bon week-end, stop …”
SORTIR DE L’ISOLEMENT, et mobiliser tous les partenaires
Dans cette période de contraintes inhabituelles, le besoin d’autonomie des collaborateurs pour remplir leur mission est renforcé. Et la capacité du manager pour renforcer l’autonomie des collaborateurs et de l’équipe dépend beaucoup de l’attention qu’il porte … à son équilibre personnel. Qu’est-ce qui marche aujourd’hui pour l’équilibre personnel du manager de terrain ? C’est de faire attention à lui et de puiser dans les ressources collectives. Quelques principes semblent faire la différence, à essayer sans modération !
1. Réciprocité, apporter aux autres comme ils vous apportent
2. On peut compter sur vous – quand “tout fout le camp” … on peut vous faire confiance
3. Vos relations sociales … trouver le moyen de garder le contact et solliciter du soutien à l’intérieur et à l’extérieur de l’entreprise
4. Autorité – beaucoup de repères semblent flous, choisissez d’affirmer votre autorité quand cela vous parait utile
5. Ce que vous aimez – trouver des sujets que vous aimez et partagez cet intérêt
6. Choix – soyez le chef d’entreprise de votre périmètre, faites des choix et valider les, trouver vos marges de manœuvre, partagez-les et innovez
CONCLUSION
Visiblement quand tout parait aller mal, les collaborateurs et les managers se révèlent. Dans la difficulté certaines limites disparaissent et les rôles évoluent. Un collaborateur le dit « Je prends des initiatives parce qu’avec le COVID j’ai le droit de me tromper ». Et d’ailleurs les mesures de productivité montrent que les équipes en télétravail ont produit plutôt plus et plutôt mieux. Et de ce fait la crise révèle un rôle différent et utile pour le manager…et pour les collaborateurs. L’approche efficace est différente : moins de contrôle, plus d’écoute personnelle, moins de micro-planification, plus de cap à donner. Quand sera-t-il dans un fonctionnement plus normal ? Les managers et les collaborateurs auront-ils intérêt à revenir à leurs habitudes passées ?
Il sera certainement intéressant pour tous de prendre le temps d’évaluer ce qu’ils ont appris et d’en tirer la substantifique moelle.
Par Philippe Cosson
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